La réunion de
Christian Fennesz, Peter Rehberg et
Jim O’Rourke dans le projet
Fenn O’Berg a manifestement fait des émules, puisque s’est formé un autre collectif d’improvisateurs laptop,
The Lappetites, réunion transfrontalière d’
Eliane Radigue (Paris),
Antye Greie (Berlin),
Ryoko Kuwajima (Sendai) et
Kaffe Matthews (Londres).
Là où le trio
Fennesz-Rehberg-O’Rourke opérait sur un mode terroriste et dada, envoyant des samples de toute origine pour former des collages modifés par pillonage digital, multipliant à plaisir les oppositions entre les musiciens (détourner les constructions de l’autre, leur jeu favori), les quatre
Lappetites se veulent plus amènes les uns à l’égard des autres. Se décrivant comme un forum, un lieu de rencontre et un concept à l’intérieur duquel fabriquer et échanger une nouvelle musique via le jeu des liens numériques et sonores, depuis des espaces éloignés et localisés de manière à former un multispeaker playground,
The Lappetites place au cœur de sa pratique musicale l’exploitation d’Internet et de son statut d’espace second venu doubler l’espace réel du monde.
Musique numérique donc, rhizomatique, explosée et explosante, où l’improvisation fabrique du son à partir du son et du hasard,
Before the Libretto définit une manière tout à fait contemporaine d’improviser à partir de laptops et se veut également recherche de la voix avant la grande construction opératique :
Before the Libretto met l’auditeur en contact avec la grande fabrique de musique, dans cette frange en bordure de la scène où le chaos vocal s’ordonne en dramaturgie, d’où la présence d’
Overture en fin d’album. De voix, ce disque en est plein, tordues, tronçonnées, disloquées, poncées, rabotées ou biffées : à l’image de Tzungentwist et sa torsion des langues. De fait, puisqu’il s’agit du
making of plus que du
musical à proprement parler (à moins que ce ne soit ce
musical qui raconte la naissance du
musical, comme
New York New York ?),
Before the Libretto est parfois âpre, bruitiste et rugueux, plus déroutant sûrement que les productions du trio sus-cité, modèle d’équilibre entre mélodie, sauvagerie sonore et fantaise de la composition. Et si
Before the Libretto n’est pas aussi essentiel, il n’en reste pas moins une franche réussite à l’intérieur d’un genre que son principe même (laptop / improvisation / collectif) situe à la pointe des musiques défricheuses.
Chroniqué par
Mathias
le 12/04/2006