Il faut croire que c’est inévitable. Le monde se divise en deux. D’une part, les puristes, campés sur leurs positions étroites, voyant le monde selon une perspective faussée, à la limite de la réaction, et les autres, avant-gardistes, ou du moins sachant reconnaître l’avant-garde là même où elle ne dit pas son nom, progressistes, et résolument ouverts sur l’avenir, prêts à l’embrasser. Le monde de l’art, et plus spécifiquement, le monde de la musique, se structurerait régulièrement ainsi. C’est un fait…
C’est du moins ce qui se passerait lorsque des groupes évoluent, ou du moins lorsqu’on prétend qu’ils évoluent, et qu’un nouveau disque d’eux est publié. Une controverse se forme, une goutte d’eau dans l’océan de la musique, les positions se figent et des clivages apparaissent, nets et tranchés. Évidemment plus le groupe est connu et reconnu et plus ces oppositions se marquent nettement.
Aussi, il n’est pas étonnant que
Mr. Beast de
Mogwai provoque ce genre de clivages. Acclamation de l’avant-garde, d’une part, constat de la décadence, de l’autre, ou bien encore adoption d’une position médiane, proche du retrait objectiviste, tout y est pour constater la manière dont le monde de la musique — dans le rock ou ailleurs — est fait. Il est fait de positions critiques adoptées, de points de vue sur l’avenir de la musique, sur ses évolutions, ses tendances, ce qui est d’actualité et ce qui est, pour le dire carrément, rétrograde. Quant aux tenants de la sagesse du retrait, ils participent à ces effusions littéraires, en les inscrivant dans un champ plus large. La musique, vue sous cet angle, est bel et bien un monde, qui n’a rien de bien d’extraordinaire.
On se demandera sans doute en quoi cette esquisse vulgaire de pseudo-sociologie se rapporte à
Mr. Beast de
Mogwai. La seule réponse que je puis apporter est la suivante : “En rien”. Mais, cet album est à ce point dépourvu de surprises que l’on aura dû se résoudre à parler de ce que, à défaut d’étonnement, il pouvait bien provoquer. Car, la seule chose que l’on aurait pu souligner, c’est que les titres qui forment
Mr. Beast durent rarement plus de 5 minutes et que le vocoder a disparu. Avouons tout de même que c’est un peu court pour donner matière à critique et que, ce point mis à part,
Mogwai fait du
Mogwai, le fait comme
Mogwai, c’est-à-dire bien, vraiment bien, mais reste dans la sphère très mogwaiesque de
Mogwai.
Si donc ce disque a un réel intérêt, outre le plaisir immédiat que l’on peut prendre à l’écouter, il réside plus dans la manière qu’il a de faire apparaître le monde de la musique que dans la manière dont il fait apparaître la musique au monde. En effet, cette dernière n’a rien de vraiment passionnant.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 13/03/2006