Matt Robson pourra se targuer dans ses vieux jours d’avoir inventé le Northern Wrongbeat, sorte de musique à la fois groovy et arythmique, où le beat s’inscrit toujours en porte-à-faux du reste de la composition, donnant un décalage particulier à une musique qui aurait pu tout aussi bien rester ambient pure. Il semble qu’un parfum de punk électronique flotte déjà sur ces morceaux ouvragés au laptop, sur ces textures accortes.
Robson vient du rock et a officié dans de nombreux groupes alternatifs de Leeds : tout cela s’entend, dans cette musique où le laptop est en permanence contrecarré par une énergie rock privée de son instrumentation et forcée de s’incarner sous des formes détournées, tronquées (celles de l’électronique essentiellement, mais qui obéissent ici à l’effort d’efficacité mélodique d‘un ex-guitariste de rock plus que d’un musicien converti au laptop), comme ces beats agressifs qui explosent comme des fusées d’artificiers dans
Troubled Moves.
Robson n’a pas été le batteur de
Hood pour rien (période
Home Is Where It Hurts) : de ce passage au sein de ce groupe essentiel, il a retenu un sens du décalage discret, du sabotage sonore en demi-teinte, de la nuance (de gris).
Mouvements perturbés, c’est bien de cela dont il s’agit ici, le beat comme faux battement, syncope, infarctus rythmique.
Robson retrouve un peu de sa sérénité toutefois quand il empile les textures épurées les unes sur les autres dans
Non Port ou
Golden Acre Sleeps. Mouvements perturbés encore puisque cette musique, en évoluant dans deux directions diamétralement opposées, perturbe tous ses mouvements par chacun d’entre eux : quand les deux laptops de
Robson démantèlent un peu trop violemment la trame d’un morceau (
Galleries), le suivant se charge de panser les plaies (
Day Overdone). Rien qui laisse une unité en paix, une cohérence s’installer. Des mécaniques rythmiques alliées à des manipulations sonores alchimiques, dit
Robson de sa musique et la formule est juste, peu ou prou : les mélodies policées se confrontent sans crier gare à des rythmiques brutalement désossées, avant que les accouplements informatiques ne fassent leur office. De cette malice à marrier les contraires, à associer dans la surprise et l’élégance les incompatibles,
Matt Robson trouve de quoi, non sans sagesse excessive parfois, tirer son épingle du jeu.
Chroniqué par
Mathias
le 25/02/2006