Les phrases lancinantes du premier titre d’
Introspection -
Introspection lui-même – déploient des charmes conseillant la fausse piste : par-dessus le décorum du saxophone d’
Ivo Perelman, la violoniste
Rosie Hertlein ballade son archet et clame haut l’intention chimérique de vouloir défendre un lyrisme contemporain préoccupé. Oublié, celui-ci, dès
Karmic Forces, à partir duquel l’album ne dérivera plus.
Pour se laisser aller plus naturellement sur le mode majestueux d’un jazz troublant, presque inédit. En compagnie d’
Hertlein, donc, mais aussi du contrebassiste
Dominic Duval et du batteur
Newman Baker,
Ivo Perelman s’engage ici encore en faveur du free jazz, mais d’une manière plus particulière, cette fois, moins assagi que véritablement apaisé. Les regrets n’auront pour autant pas lieu d’être. Puisqu’au contraire, l’enregistrement y gagne.
En retenue, surtout, avec laquelle le saxophoniste brésilien mène 9 de ses compositions, faisant face à un embrouillamini de cordes gracieuses (
Spiritual Destiny,
Karmic Forces), ou retenant dans ses mains le fluide musical pour mieux l’évaluer et y constater une forte concentration de free, certes, mais aussi la présence d’un cool sous-jacent (
Extended Consciousness), d’un baroque insoupçonnable (
All Power Emanates From One Source).
Sans le moindre soupir, la prosodie circule. Auprès de
Duval, le saxophoniste prône l’entente élégante et rare (
Divine Awareness) ; avec
Hertlein, il établit des parallèles trompeurs, obliquant soudain pour pouvoir, n’y tenant plus, se croiser (
Angel of Forgetfulness) ; encouragé par
Baker, il cède enfin, et rue dans les brancards une fois pour toute, et en guise de conclusion (
Faith). Prouvant ainsi, peut être, que si le jeu, comme la vie, est un éternel recommencement, rien n’interdit d’aller voir ailleurs ou de penser différemment avant le retour irrémédiable.
Chroniqué par
Grisli
le 07/02/2006