Manifestement, les habitants de Lisbonne aiment leur ville et ont à cœur d’en scruter jusqu’aux plus intimes recoins : en témoignent les films de Joao Cesar Monteiro et de Manoel de Oliveira et, dans leur droite ligne, cet album hybride, entre cd et dvd, collection de field recordings en sons et images et pièce d’ambient solaires.
Occupés à capter qualités d’air et de bruissements, les cinq artistes réunis sur ce projet baladent caméras et micros au milieu de la lumière apollinienne du lieu, enregistrant architectures moresques (
Cine Lisboa), bruits de foules, narrations diverses et cinématographies aveugles (
Dr Mussert’s Landing), sons d’ambiances (
Stern), fragment de villes en mouvement (
MetaSon Lisboa), le tout s’achevant sur un inventaire coloré des différentes textures pierreuses de Lisbonne (
Storia Intramuri – Walls).
Le projet évite le piège de l’hommage youpi à la ville aimée, pour en restituer une vision protéiforme et complexe, laissant volontiers la parole au texte (
Stern) ou a de simple photographies en contre-plongée (
Cine Lisboa). Les partis pris sont donc nettement marqués, lorsque les field recordings font le choix de se réduire aux purs sons concrets, bruts à cela près qu’ils sont remontés, ou aux fragments volés aux musiciens des rues – parfois au risque d’un défaut de musicalité. Approche tour à tour documentaire et purement musicale, mais pas les deux à la fois, comme si le regard froid de l’objectif ne voulait jamais se mêler au regard chaud du promeneur, à une très belle exception près,
MetaSon Lisboa, véritable constitution d’un ciné-œil musical, pour pasticher Vertov. Là peut-être réside l’amour de Lisbonne : lorsque ses habitants choisissent de la livrer telle quelle, ou de lui offrir des poèmes, sans jamais proposer de mélanges, dans l’entièreté qu’exige le sang méridional.
Chroniqué par
Mathias
le 29/01/2006