Dernière invention du formidable festival All Tomorrow’s Parties – peut-être l’événement musical le plus excitant au monde – la section
Don’t look back invite des groupes à rejouer l’intégralité d’un de leurs albums sur scène. La première édition en 2005 aura ainsi permis d’entendre
Cat Power revisiter les titres de son
The Covers Record ou
The Stooges - dans leur line-up original – pour leur mythique
Funhouse.
Parmi la longue liste d'artistes invités, ce fut aussi l’occasion de retrouver l’un des plus attachants groupes pop de cette dernière décennie et de (re)découvrir ce qui reste comme leur chef-d’œuvre. Le 25 septembre 2005, les Ecossais de
Belle and Sebastian investissaient la scène du Barbican de Londres, pour reprendre leur superbe
If You’re Feeling Sinister, neuf ans après sa sortie. Un concert dont l’enregistrement est aujourd’hui disponible, via la plate-forme de téléchargement iTunes.
"Don't look back", une expression qui a obtenu ses galons rock avec le film éponyme de D.A. Pennebaker consacré à Bob Dylan. Un clin d’œil que
Belle and Sebastian avaient déjà immortalisé avec humour sur le refrain de leur
Like Dylan in the movies que l’on retrouve ici, parmi les dix titres d’
If You’re Feeling Sinister ("
And if they follow you / Don’t look back / Like Dylan in the movies"). Ce même humour qui joint le geste à la parole en arrêtant la musique en plein milieu de morceau ("
When the music stops!") ou traite avec légèreté du fossé générationnel, sur le drôlatique
Me and the major. Ou qui permet encore de créer le décalage imparable de
Get me away from here, I’m dying, où comment chanter la mélancolie sur un air entraînant (exercice dans lequel les Anglais sont passés maîtres, des
Smiths à
Pulp).
Cette puissance mélodique alliée à des paroles à la légèreté revendiquée, c’est peut-être dans les chansons de ce second album de
Belle and Sebastian qu’on la retrouve le mieux. De
Fox in the snow à
The stars of track and field, on se laisse porter par cette poésie adolescente – qui ne tombe jamais dans le piège de se prendre au sérieux – calquée sur des arrangements dépouillés, ramenant la pop à son essence même : une mélodie accrocheuse. Et lorsque la structure s’étaye, les compositions évitent à merveille les écueils surchargés, préférant le raffinement des chansons pour feu de camp. Comme une auberge espagnole étonnamment sur le fil, où chacun viendrait se joindre au petit attroupement, sa trompette ou son violon à la main (
If you’re feeling sinister).
Impossible donc de résister à cette pop élégante, qui s’offre encore le luxe de flirter avec le tube lorsque le tempo s’accélère (
Seeing other people ou l’entraînant
Mayfly). Sans tout à fait transcender cette collection de chansons, l’exercice live parvient à en rappeler la miraculeuse justesse, replaçant l’album original à sa juste place parmi les standards pop des années 90, entre le
Different Class de
Pulp et, surtout, le
Liberation de
The Divine Comedy. Un enregistrement anniversaire dont le seul défaut est peut-être de mettre le doigt sur l’incapacité qu’ont eu
Belle and Sebastian depuis à offrir un digne successeur à
If You’re Feeling Sinister, malgré un talent jamais mis en doute pour tresser des chansons idéales.
Chroniqué par
Christophe
le 13/01/2006