Disque entièrement improvisé et d’une fraîcheur rare : peut-être parce qu’il s’agitt là de l’enregistrement du tout premier live du quartet mené par
Alex Ward et composé de
Luke Barlow aux claviers,
Simon Fell à la contrebasse et
Steve Noble à la batterie. Le tout premier live, ce moment où il a tout à prouver, où le son qu’il dégage lui confère une existence réelle. D’énergie à exister, à envoyer sur le public, ce disque en contient, grâce au jeu virtuose de clarinette d’
Alex Ward, sa volubilité inextinguible, presque agressive par endroits (
The Mumbles,
The Snap), sa fantaisie un peu dingue quand elle joue à la sirène de pompiers (
The Mumbles, encore). Ce qui ne lui interdit pas les instants suspensifs, les pauses, répits ni moins denses, ni plus calmes : simplement ces instants suspendent le rythme de manière inopinée, le lancent dans de grandes cavalcades de batterie breakée (exercice dans lequel
touche ses billes).
Cette frénésie couplée à un sens du répit, de la suspension, constitue le cœur de ce Help Point. Je veux dire qu’il n’y a pas d’alternance indécidable entre frénésie et suspension, mais plutôt que la frénésie est suspension, et inversement : à la manière des martèlements ponctuels de Noble, véritables moments de contemplation en dépit du bruit qu’ils produisent, ou encore des harmonies rampantes de The Cronk, où la sagesse des développements dissimule le bouillonnement et la tension d’un quartet qui va bientôt libérer en longues fusées acoustiques l’énergie accumulée. Cette simultanéité d’approches incompatibles met en échec un bon nombre d’habitudes d’écoute et déboute les concepts du lieu où ils ont l’habitude de travailler. A ce système de la simultanéité dans l’improvisation s’ajoute un troisième terme, qui a trait aux timbres : une troisième dimension plus qu’un troisième terme tant l’utilisation des différentes textures, que ce soit le Rhodes trafiqué de Barlow, son Oberheim OB3, les différentes sortes de stridences de la clarinette de Ward ou encore la puissance sonore de la section rythmique, entre le jeu de contrebasse maximaliste de Simon Fell et la tribalité de Steve Noble. Entre improvisation en roue libre et écriture mesurée du timbre, le quartet développe son art de l’écosystème musical, entre rythmiques catchy, relâches quasi martiales et abstraction des rapports de tons. Stimulant à tous points de vue.
Chroniqué par
Mathias
le 28/12/2005