Avec
Emerald Stars, son troisième album, l’autrichienne
Susanne Brokesch tourne la page d’une ambient à laquelle elle avait jusque là travaillé, pour interroger les manières d’établir une combinaison satisfaisante entre songwriting, pop et expérimentations légères. La tentative se divise en deux parties presque égales : sur la première,
Brokesch défend ses propres compositions, quand elle préfère interpréter, sur la seconde, un titre de
Bowie (
Heroes) et quatre pièces du compatriote compositeur
Hugo Wolf.
Comme pour faire le lien, le début d’
Esmerald Stars présente une ambient minimale, faite de construction rythmique modelées d’après
Kraftwerk, pour le côté obscur du rappel (
The Emerald Stars In The Sky, qu’elle reprendra en guise de conclusion, y incorporant un bruitisme gentillet), ou de nappes de claviers supportant le poids de carillons artificiels, pour le côté mièvre du même rappel (
The Art Of Missing The Bus).
C’est donc en
Like A Hologram, piécette downtempo désinhibée, qu’il faut voir le premier et véritable essai là pour satisfaire les nouvelles aspirations de
Brokesch. Une voix éloignée révèle l’influence évidente de
Björk, pourquoi pas de
Stina Nordenstam – parallèle envisageable aussi à l’écoute de
To Go Back. Et voilà (presque) tout, jusqu’à ce que quelques chocs légers et une incrustation crachante imposent
The Missing Records Are Private, aux traînées repérables d’électronique filante.
Après un
Heroes sur boucle rythmique crasseuse et guitare expectorante,
Brokesch s’attaque à ce qui sauvera indéniablement le disque : la reprise réfléchie de 4 lieds d’
Hugo Wolf. Evoquant, dans leur version originale, de blondes et laiteuses jeunes filles perdues en forêt qui, de désespoir, s’allongeaient parmi les feuilles mortes pour mieux attendre une mort gothico-prussienne, les voici réactualisés. Investissant le domaine de l’atmosphère,
Brokesch écrit là une chronique stellaire proche des enregistrements de
Yann Tomita (
Nachtzauber), ou confesse la séduction opérée sur elle par la musique sérielle, et notamment celle de
Philip Glass (
Verschwingene Liebe).
La lecture d’
Emerald Stars pourrait être comparée à une promenade devenue aventure. Inexistant parmi l’étendue verte d’un paysage naïf, l’intérêt affleure quand le ciel s’assombrit. L’auditeur butte sans cesse avant d’apercevoir la lumière, jaillissant d’une cathédrale de glace. A cet instant, peu importe que le parcours ait été, ou non, programmé.
Chroniqué par
Grisli
le 26/12/2005