Le 6 décembre 1985,
Steve Lacy donnait à la galerie Maximilien Guiol, Paris, un concert en solo. Exercice qu’il appréciait, attenant à un auditoire respectant à peine la distance minimale imposée par la taille de son saxophone soprano. Comme souvent,
Lacy débute par un hommage à son maître,
Thelonious Monk, dont le
Work avoue l’influence plus qu’évidente, l’ancrage initiatique qu’il arrive aussi aux compositions personnelles du saxophoniste de trahir (
Clichés, ici ;
Prospectus, ailleurs).
Attentif à ce qu’il est capable de ressentir et à ce qu’il doit traduire sur l’instant,
Lacy enchaîne 8 morceaux. Evidemment introspectifs, mais autant à l’écoute de l’interprète que des propositions du soprano, médium chargé de possibilités et de couleurs diverses. Alors, un référent introductif tourne en rond avant de suivre la trajectoire d’une spirale tout juste éclose, récitation par cœur d’un mini thème répétitif affublé de digressions (
Morning Joy). Le changement accordé toujours, revendiqué par les séries et les silences, aussi léger soit-il (
Coastline).
Considérant son instrument sous toutes les coutures,
Lacy ne le charge jamais sans avoir préalablement pesé le pour et le contre. Accueillant la phrase qui s’impose seulement lorsqu’elle peut s’avérer adéquate, qu’elle sorte d’on ne sait où (
Rimane Pooo) ou manipule un thème connu forçant aux portes (échantillon galvaudé d’
I Got Rythm en ouverture de
Deadline).
L’expérience est exclusive et le jeu parfois impersonnel. Jamais austère, parce que toujours estimé avant d’être rendu, abandonné, offert. La force de
Lacy se trouvant dans le partage évident d’une épreuve artistique qui aurait pu ne concerner que lui. Et, don ultime, qu’il permet au spectateur de suivre, voire, de comprendre.
Chroniqué par
Grisli
le 20/12/2005