Pop. Un mot employé à toutes les sauces dont on n’est jamais tout à fait sûr de ce qu’il englobe. Populaire, peut-être, comme une abréviation. Mais la musique populaire n’est plus vraiment pop aujourd’hui – plutôt une équation bancale rock ou R’n’B – et la pop-music n’est pas nécessairement populaire. Pop. Un genre musical aux frontières ténues. En équilibre entre le rock et la soupe, les racines folk et le regard tourné vers le futur. Un mot fourre-tout aux ancêtres prestigieux, dont on annonce la mort chaque année au même titre que le rock. Pop. Un choix souvent casse-gueule.
Le concept-album est lui plus facile à définir. Mais plus casse-gueule aussi. A privilégier l’orientation concept, au détriment de la musique. Chacun pourra citer l’un ou l’autre classique du type ou son petit trésor secret, oublié des palmarès canonisés.
Avec
Come On Feel the Illinoise! Sufjan Stevens joue gros. Revenant vers une pop protéiforme qui lorgne vers les fantasmes de symphonies d’un garçon surfeur. Mais pas seulement. Deuxième épisode d’une série improbable, cet album dépend d’un concept précis et pourtant multiple: composer un album pour chaque Etat des USA. L’Illinois donc, après le Michigan en 2003. Un certain goût du risque.
Mais
Sufjan Stevens évite merveilleusement la sortie de route. Ouverte et décomplexée, sa musique convoque indifféremment la pop et le folk, des composants countrysants et d’autres plus baroques. Enlevées ou mélancoliques, ses chansons fourmillent d’idées, d’envie, de mélodies. Se prennent rarement au sérieux aussi. Banjo, flûte, cuivres, roulements de tambour, chœurs en douceur et par-dessus, la voix fragile de Sufjan. Une pop pour fredonner, siffloter ou avoir les frissons.
Quant au concept, l’Illinois semble offrir une galerie de portraits et de souvenirs suffisamment bigarrée pour éviter le piège du bloc indigeste. Superman, Al Capone, le serial-killer John Wayne Gacy Jr., Abraham Lincoln, autant de figures du folklore américain issues de l’Illinois. Pop-art. A la manière de Warhol. Peu importent leurs origines, tous ont connu leur quart d’heure de gloire et plus si affinités. Plutôt qu’une leçon d’Histoire,
Sufjan Stevens devient guide et conteur, prompt à dessiner de multiples petites histoires.
Come On Feel the Illinoise! est sans doute l’une des petites merveilles pop de cette année. Un disque touffu qui s’écoute pourtant sans effort. La mélodie domine, emmène l’auditeur. Jamais timoré,
Sufjan Stevens multiplie les inspirations et les directions, sans crainte du dérapage. Constamment sur le fil, ses chansons indescriptiples tant elles sont multiples donnent furieusement l’envie de découvrir cet Illinois de petites légendes, de mélodies sucrées et d’envolées magiques.
Chroniqué par
Christophe
le 11/12/2005