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Roi Heenok

: Propagande Américaine - La Dose La Mixtape



sortie : 2005
label : Gangster & Gentleman
style : Hip-hop

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Tracklist :
01/ L'attente est terminée
02/ Moteur 12 cylindresle sabotage
03/ Le rap français du Queens
04/ Rien ne peut l'arrêter
05/ Le braquage
06/ Kinimod revient bientôt
07/ Qui fait les choses
08/ Inspiration du Moyen-Orient
09/ Attaque contre toi
10/

« Ca va devenir vrai dans cette pièce pour quelques instants » : avec La Dose, la légende du négro de la rive sud cesse d’être orale et se concrétise ; Roi Heenok importe la came dans ta ville t’entends ? Rien ne pourra l’arrêter maintenant que la dose de crack-music est disponible, alors gare à vous, les blancs-becs du Québec : le hip hop vient de trouver son roi, roi de pacotille certes, roi de carnaval intronisé avec force dérision par le buzz qui a enflé petit à petit sur le web jusqu’à maintenant, mais les faits sont là : le négro du Queens est sur le trône et pour longtemps. Tu suis ? Yahlelah ! Et en dépit de tous les quolibets, le roi tient bon, assène ses punchlines sous prozac à qui veut l’entendre, toujours à contretemps, toujours en porte-à-faux avec le beat. Roi Heenok ne sait pas rapper, mais il n’est pas là pour les barbes à papa.

Happening ou morceau d’univers parallèle à lui tout seul, Roi Heenok est le trou noir du hip hop de la francophonie, québécois comme français, et même mondial : celui qui va tout aspirer, le rappeur ultime, total, the MC that ends all MC’s. Nulle intention de ma part de ridiculiser le Roi, au contraire : ce que Heenok a à dire, personne ne l’a dit avant lui et, aussi bizarre que cela puisse paraître, écouter le Roi Heenok n’est pas dépourvu d’intérêt pour qui veut chercher à comprendre. Roi Heenok est un prophète et, c’est bien connu, nul n’est prophète en son pays.

Evidemment, musicalement parlant, on approche de la catastrophe, dans un cheap rarement atteint : il suffit d’écouter l’instru de Moteur 12 cylindres le sabotage, pauvre boucle de violon arabisant saupoudré de beats invertébrés avec, parfois, le son d’une rafale d’uzi. On nage en plein dans le folklore du plus mauvais hip hop.

L’intérêt de Roi Heenok réside dans ce qu’il représente : une sorte de convergence fortuite de tout ce qui distingue les temps actuels, manifestation globale et synthétique incarnée en un rappeur fou de ce qu’est dans son entier le monde contemporain. Et de fait, tout passe dans les textes du Roi, que ce soit le terrorisme post-onze-septembre, les deals, les gangs, ou la politique. Pour Roi Heenok, la musique est un fait global : à la fois guérilla (« Quand j’arrive dans Paname, je me connecte tout de suite avec deux vrais arabes ») tendant vers le terrorisme (« Je descends à Miami pour apprendre à piloter » dans l’inénarrable Tactique Palestinienne), guerre bactériologique (La Bactérie musicale) ou guerre des gangs (Moteur 12 cylindres le sabotage), criminalité (Le Braquage), suprématie du rappeur dans Domine et distribue ou Le rap français du Queens (incroyable morceau d’égotrip où l’on entend : « Lorsqu'on tire sur vous, c'est nous / Celui qui est reparti avec ton argent et ta marchandise, c'est moi / Des bruits de Uzi, c'est nous / Un braquage violent avec aucun survivant,c'est nous / Demande de rançon sans aucune raison, c'est nous / On ligote ta maman, c'est nous / Tu cherches ta femme, elle est avec nous / Elle adore le rap français officiel du Queens performé par le négro de la rive sud / C’est le gangster / Impossible de devenir meilleur que ceci, t'entends ? »), deal de came dans Clients satisfaits (parce que la musique est une came, et maintenant qu’elle est disponible dans les rues, on va pouvoir régulariser tous ces blancs qui se prennent pour des négros, toutes ces putes nègres qui sont pas vraies, t’entends ?). Et même, fait incroyable, le discours du Roi Heenok est politique par défaut, un discours politique qui se contredit sans cesse, se dépasse en permanence, implose littéralement sous le coup de son insanité mais qui a bel et bien vocation à rendre compte, tant bien que mal, de ce qu’est le monde. Mais tous ces faits (on n’ose parler de thèmes) viennent de la rue, et sont marqués du sceau de l’authenticité. Aussi l’entend-on se présenter dans Moteur 12 cylindres le sabotage comme « le George W. Bush du rap français » tout en prônant la destruction de l’Empire américain par le terrorisme dans Tactique palestinienne. Allez comprendre…

C’est que, d’une certaine façon, Roi Heenok est probablement le seul rappeur du monde à vocation véritablement universelle, aussi bien dans ses textes que par ses « connexions » avec le monde entier ou sa volonté hégémonique (« Je suis le George W. Bush du rap français », donc). Et pourtant – mais c’est justement là sa force, cette manière d’illustrer parfaitement le credo du guérillero altermondialiste moderne : « Think gloabal, act local » – la tape du Roi est d’abord destinée à une aire géographique très restreinte, s’adresse en priorité à des ghettos très ciblés, et les idiotismes en provenance du Québec constituent le cœur du langage du Roi, de son nouveau rap jeu. Heenok agit localement, mais son discours se diffuse mondialement, en véhiculant une logique de guerre (des gangs, mais aussi de guérilla ou de guerre terroriste) sans ambiguïté : peut-être ses traductions littérales d’expressions américaines en français sont-elles moins l’expression d’un parler québécois que l’invention, encore en cours, work in progress, d’un nouveau langage urbain, un esperanto de la rue.

L’objectif ultime de Roi Heenok : prendre le pouvoir par la musique. Un million de ventes pour Propagande américaine, t’entends, c’est-à-dire une demande en hausse d’ingénieurs du son, et une attraction des jeunes vers les hautes études, des rentrées d’argent, des millions d’emploi créées, et même le trou de la sécu rebouché : Roi Heenok est la dernière alternative dans un système mondial qui s’effondre sous le coup de ses propres contradictions. Croyez-le ou non, écoutez-le ou pas, aimez-le ou détestez-le, prenez-le au sérieux ou riez de lui : le Roi Heenok est là, il est au delà du Bien et du Mal et comme tel, il a sa place dans l’histoire du hip hop.

Chroniqué par Mathias
le 08/12/2005

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A lire également sur dMute :
Interview avec Roi Heenok
(décembre 2005)




1 commentaire

par Tom (le 17/06/2009)
La messe est dite, je n'avais jamais vu quelqu'un parler du Roi avec autant de lucidité et de pertinence. Et quelle conclusion! De l'exclusivité, en voulais-je, en eu-je.


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