Toujours pas rassasié de dissonances,
Roscoe Mitchell. A tel point qu’en écoutant l’ouverture de
Turn, enregistré tout récemment, le doute peut surgir, qui interroge l’intérêt à envisager d’un possible enregistrement de plus. Au son de
For Cynthia, même, ne relever qu’un fouillis d’interventions lasses, non seulement sans queue ni tête, mais apte encore à inoculer l’ennui.
Pourtant, en troisième plage, fait surface
Quintet Nine, drôle de bop appuyé par une flûte, et bousculé bientôt par
Jaribu Shahib, dont le riff de contrebasse ordonne qu’on se fie à son instinct. Alors, l’atmosphère change radicalement. Se met en place un jazz répétitif et boisé, proche de ceux défendus jadis par
Ronnie Boykins ou
Ran Blake, et assez sûr pour gagner l’entier album à sa cause.
Voici donc remises au goût du jour les anciennes émulsions sur l’instant, fières de ruer dans les brancards (
Horner Mac) ou de tout concéder à une polyphonie salvatrice (
After). Les prises de son, lointaines, rapprochent encore le quintette d’un free originel (
Turn, Take One), hésitant entre quelque marche désossée (
March 2004) et de petits moments réservés aux seules percussions de
Tani Tabbal - tradition retenue de l’
Art Ensemble de son leader (
For Now,
That’s Finished).
Au moyen d’un phrasé rappelant celui de
Donald Ayler, le trompettiste
Corey Wilkes convainc presque à chaque fois, tandis que le pianiste
Craig Taborn dépose les bornes nécessaires au bon dépassement. Quelques maladresses, toutes rassemblées sur deux morceaux (le mini funk bancal
Rhine Ridge et
In Six, romance sérieuse), ne peuvent empêcher
Roscoe Mitchell de mener à bien un disque qui, sans renouveler le genre – est-ce à lui de se charger encore de la tâche ? -, brille par son élégance révérencieuse.
Chroniqué par
Grisli
le 06/11/2005