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Steve Roden

: Oder Delias Or Butterflies



sortie : 2005
label : Non Visual Objects
style : Musique électro-acoustique

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Tracklist :
01/ Oder Delias Or Butterflies

Première sortie d’un tout jeune label autrichien qui fait mentir son nom tant le packaging est beau, en carton fin et illustré de superbes dessins, cet album au nom étrange, écrit par Steve Roden, activiste notoire du field recording et des longues pièces électro-acoustiques, aimant à construire ses morceaux à partir d’objets concrets pas nécessairement musicaux ou les pensant comme des installations, compositeur d’une musique concrète au sens immédiat du terme, une musique qui n’est pas faite de bruits (même si elle en intègre) mais qui, dans sa chair électronique, insère et accueille la pulpe palpitante du monde extérieur, de l’environnement le plus immédiat : ici, cuisine étrangère et papillons.

Pour élucider cette dernière phrase énigmatique, il faut raconter l’histoire de ce disque, qui ne manque pas de sel et qui est comme le gage de la poésie de cette composition : Steve Roden a eu l’idée de cette pièce dans un restaurant, alors qu’il voulait commander un plat à base de riz nommé Oder Delias. La phrase, dont l’évocation florale le séduit, résonne poétiquement dans son esprit pendant plusieurs jours, même quand il rêve, y compris aussi au réveil. Il en parle à Heribert Friedl, patron du label, qui lui suggère l’analogie de Oder (Ou, en allemand) avec le Or anglais, et qui fait remarquer que les délias sont une famille de papillons. D’où ce titre double anglo-germanique. Pour la petite histoire, Roden ne commanda finalement pas le plat en question.

Cette longue pièce d’environ trois quarts d’heure est, à l’image de son titre, chargée de fragrances florales et de vols de papillons : les sons qui la composent sont d’abord infimes, à peine audible, et grossissent peu à peu vers une complexité électronique toujours douce et soyeuse, mêlant les sons les plus divers et mettant en tension le lisse des sons synthétiques omniprésents avec la rugosité des sons concrets moins nombreux empruntés au monde extérieur. De sorte que la pièce grossit peu à peu d’une vie qui semble s’inventer lentement à mesure que le temps coule, s’anime, s’infléchit, palpite, s’arrête net peu après son centre, pour repartir sur des percussions métalliques délicates, touche de fantaisie et d’ethnicité minimale à l’intérieur d’un disque avant tout citadin, à l’écoute des chants muets des villes et des lieux publics. Travail avant tout contemplatif, qui semble déroutant au début, mais qui séduit ensuite rapidement et se laisse gagner par une émotion discrète, lorsque intervient, en courts motifs ascendants (une ou deux notes le plus souvent, répétés de manière arythmique), la flûte de bambou offerte par Bernhard Günter à Steve Roden. De cette flûte, Roden joue avec une infinie tendresse, comme si ce disque passait, en son centre plein, de la contemplation citadine à la déclaration d’amitié profonde. Dans cette supposée déclaration, que l’on devine peut-être plus qu’on entend (car après tout, Roden et Günter nous sont, à nous la majorité des auditeurs, inconnus) se loge tout le projet de ce disque, petit poème du minuscule et de l’insignifiant, dédié à un plat de riz, un bouquet, la trace colorée d’un papillon dans l’air, une flûte de bambou qui est à peine plus qu’un jouet : poème célébrant tous ces menus objets ou événements qui font la trame de nos jours et qui, en quelque sorte, nous dessinent un monde à côté du monde, plus petit, plus coloré, plus parfumé et plus clément.


Chroniqué par Mathias
le 24/10/2005

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