Album des larges espaces indéfinis,
Waves & Echoes est le troisième long format de
Portal et honore son titre brillamment. A l'instar de
Hood, la musique de
Portal est pop parce qu'expérimentale : la séduction immédiate passe par des formats connus augmentés, déconstruits, concassés, étendus par l'irruption de machines, de sound processes (
Veil). Chansons pop enterrées sous des traitements qui leur adjoignent une dimension supplémentaire, qui les arrachent à la pop et font d'elles, en quelque sorte, des souvenirs de chansons pop. Ainsi de
Consumed, exemplaire, où des
Traces de vocaux laminés à l'ordinateur parviennent parfois à s'échapper de l'épais glacis sonore fracturé et chatoyant.
Cette base pop, plus (
Trace,
Resolution) ou moins (
Endgame) identifiable, n'interdit pas pour autant quelques exercices de pure expérimentation, comme
Quartet, intégralement construit à partir de boucles de guitares filtrées et assemblées dans un dialogue à quatre voix instrumentales. L'album se partage ainsi entre morceaux chantés et titres fantomes et désertiques instrumentaux, entre le calme d'une isntrumentation dépouillée (le piano pour
Resolution) et des rythmiques plus purement électroniques (
Trace,
Sometimes, avec ses belles guitares saturées).
Waves & Echoes convoque ainsi les spectres encore vivants de
Fennesz,
Oval, ou encore des
Cocteau Twinsl.
Rien de révolutionnaire pourtant dans cette musique qui fait le grand écart entre la beauté feutrée et vénéneuse d'une certaine pop et l'expérimentation numérique du traitement sonore (
Quartet), du cut up (
Consumed) et du montage sur ordinateur. La force de
Portal est surtout de réussir cet exercice avec une belle maîtrise et un sens de la mélodie et de la construction qui convainc sans peine. A ce parcours entre deux extrèmes se joint un troisième pôle, dans la teneur ouvertement politique des paroles, chargeant contre la guerre et la mondialisation. Quelle surprise de voir cette musique pluvieuse et rurale, investie par un imaginaire urbain et sale, soudain s'élargir au monde entier ! Il y a là quelque chose d'étrange et de frappant,un décalage inattendu et certainement bienvenu, tant cette musique est intimiste et semble ne pas pouvoir, soniquement parlant, lancer de telles banderilles politico-mondiales. Souhaitons que cette ouverture à l'autre, au monde, permette à
Portal de dépasser cet intimisme qui demande toujours un certain effort de la part de l'auditeur, et d'offrir une musique plus puissante, avec davantage de souffle et de force. Mais quand
Portal se lance dans
Music for Broadcast 2, pure expérimentation d'une quinzaine de minutes adjointe à l'album, écrite pour une installation d'art contemporain, on se dit que cette ouverture dont on rêve pourrait venir bientôt mettre fin à cette pourtant déjà fort séduisante claustration.
Chroniqué par
Mathias
le 14/09/2005