La réédition des deux albums qu’il signa en tant que leader pour le compte du label ESP, accompagnés d’une interview, nous rappelle aujourd’hui la singularité de
Frank Wright, personnage discret et saxophoniste aux fondements du free jazz le plus déluré.
Enregistré en 1965 en compagnie d’
Henry Grimes (b) et de
Tom Price (dm),
The Earth prône l’avantage aux escapades individuelles. Capable de rondeurs lorsqu’il instaure un free défensif baignant dans les excès,
Wright attise son propos jusqu’à laisser la parole à la section rythmique. Le contrebassiste joue alors de breaks minuscules pour régénérer au mieux les impulsions (
Jerry), quand
Price, d’une sobriété à la limite de la gêne, explore les possibilités des toms (
The Earth).
En 1967, en quintet, le saxophoniste mène des efforts sur lesquels on a su s’accorder. Sur chaque morceau, les musiciens jouent le thème à l’unisson avant d’en improviser des digressions et, enfin, de le rapporter. Au passage, on a gagné un batteur :
Muhammad Ali, fabuleux d’inventivité (
The Lady,
Train Stop).
Les phrases lascives du saxophone de
Wright et de la trompette de
Jacques Coursil imposent la marche à suivre, qu’égaye souvent l’alto d’un
Arthur Jones en verve (
No end). Sans limites, aussi, le quintet se laisse aller à un concert de stridulations porteuses de doléances, capable de sérénité, même si éphémère (
Fire of Spirits).
Moins prévisible encore, le blues angoissé qu’est
Your Prayer, interrompu par des cris d’encouragement sortis du tréfonds des musiciens. L’expérience est fluctuante, provoque le moindre équilibre installé, et porte à la lumière un free jazz vieilli en cave. Assez pour se souvenir aujourd’hui d’un musicien de choix. Sideman recherché après s’être attaqué avec grâce aux exercices de leader.
Chroniqué par
Grisli
le 31/08/2005