Des toboggans noisy, situés quelque part dans le monde sonore entre le bruit et la musique, ou encore des messages codés à l’attention des chiens, à l’intention de leurs hurlements dans le chaos de ce qui consonne (
TBG 2124 et
TBG 2109). Dans ce déluge-délire d’une jeunesse résolue à être sonique, quelque chose nous est dit du bruit de la beauté contemporaine.
Créer — décréer — recréer. En plaçant
Toboggan sous ce signe trinitaire, les
Sons of Frida ont choisi d’explorer les frontières entre musique et bruit sans pour autant renoncer au plaisir toujours renouvelé de compositions qui s’articulent autour d’un riff primordial. C’est du moins ce que suggère
the last time I smiled. Morceau construit en trois parties et dont la première est une authentique chanson rock, jusque dans son texte même (on peut en effet y entendre ce genre de paroles : « The first time I saw her is the last time I smiled ») ; la seconde, un cataclysme sonore qui porte un solo de trompette, authentique tsunami musical ; la troisième une sorte de synthèse de ces deux premiers moments : la basse égrenant deux accords, à peine soutenue par la batterie tandis que des ondes agressent, titillent, parasitent. Sous des apparences de ruine finale, c’est le morceau dans son ensemble qui est recontextualisé. Car il n’y a aucune solution de continuité entre ces trois parties, mais bien l’exploration d’atmosphères contradictoires, atmosphères réunies en un même flux dans la narration musicale d’une catastrophe.
Des titres comme
even dogs love Christmas ou
only shadows came through, quant à eux, témoignent d’un grand sens de ce que l’on pourrait appeler « la mise en scène musicale ». Sur le premier des deux, la voix samplée et le groupe se cherchent pendant quelques secondes, laissant apparaître les mots : « On my own » avant que le morceau ne démarre véritablement. Et, deux minutes plus tard, laissant la voix seule, effectivement, les sonorités des guitares distordues s’en prenant à la ligne mélodique, pourtant patiemment élaborée, préparent le terrain pour un final rock, binaire, frénétique. L’autre fait entendre en son milieu, un cri, moment critique du morceau, il en est l’apogée dramatique. Parvenu à ce niveau d’intensité, il se disloquera immanquablement, à moins que la fièvre ne le gagne à nouveau.
little ghost town met en lumière l’aspect sombre de la musique des
Sons of Frida. Cependant, la mélancolie, rendue particulièrement sensible par la présence de la trompette, ne confine jamais au pathétique, elle est toujours habitée par l’énergie dont le groupe sait faire preuve, elle la prolonge même sans doute, sur un autre mode certes, mais avec la même intensité.
Cette intensité, la dimension dramatique des compositions, la puissance des plages d’expérimentation, nous assurent de la réponse à la question posée au début de
TBG 2109 :
Toboggan marque le début d’une histoire qui ne laissera certainement pas indifférent.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 26/08/2005