Il va falloir s’y faire, le post-rock – ou tout du moins son trio de tête
GYBE !,
Mogwai,
Tortoise – est devenu aujourd’hui une référence parmi d’autres, que l’auditeur attentif reconnaîtra aisément dans les compositions des nouveaux groupes qui apparaissent. Mais alors que l’on serait en droit de redouter un rétrécissement du genre, tout juste bon à accoucher d’ersatz plus ou moins habiles (en tête les Japonais
Mono), il ne faut pas négliger la portée d’ouverture qui peut aussi naître de cet héritage. Ainsi,
What we must des Norvègiens
Jaga Jazzist proposait en début d’année une rencontre réussie entre post-rock et jazz, montrant ce que le genre pouvait encore apporter en chemins de traverse. Avec leur premier album, les Suisses de
Rosqo proposent eux aussi un cocktail étonnant, mariant leur garage pop à un certain post-rock à guitares, pour quelques moments du plus bel effet.
Nouvelle signature du label Gentlemen,
Rosqo semblent à prime abord pouvoir être rattachés à un certain revival rock très en vogue ces dernières années. La pochette de l’album et la triplette de morceaux qui succèdent à l’instrumental d’ouverture font pencher dans ce sens. Une teenage pop, quelque part entre
Weezer et les
Pixies, avec un petit quelque chose de moins tout de même, qui empêche ces chansons de faire tout à fait mouche. Ainsi,
Sunday,
About blank et
Rococorock, bien qu’ils démontrent une jolie capacité à tresser des pop-songs chrono en main, laissent l’auditeur sur sa faim. Mais la cinquième piste de l’album remet les pendules à l’heure (une spécialité helvétique, non ?).
A thousand leaves (ce titre qui renvoie directement à
Sonic Youth) propulse la pop de
Rosqo vers d’autres latitudes. Exit le soleil californien, bonjour les brumes de l’Ecosse ! Après une première partie où le chant apathique fait merveille, dans sa capacité à envoûter et à créer une atmosphère, les guitares se font plus lourdes, pour construire ensuite un mur du son crescendo, qui rappelle le fameux
Helicon 1 de
Mogwai. Mais pas de mimétisme ici.
Rosqo ne se contentent pas de singer les héros post-rock, mais cherchent plutôt à les intégrer à leur écriture pop. Le titre suivant,
Peur du vide confirme la tendance. A une longue partie instrumentale construite autour de la basse à grands renforts de fureur succède le chant, qui vient injecter la mélodie au fracas originel.
Taikonaut affine encore la formule, privilégiant une mélancolie rampante aux accès de rage (qui reprennent leur droit pour le final). C’est comme si
Rosqo avait soudain trouver leur couleur, dans ce mariage déraisonné entre des mélodies tristes ou sous emphétamines et les structures tendues et avides de répétitions, chères à leurs aînés d’
Honey for Petzi.
Au final, la meilleure définition de ce premier album de
Rosqo réside peut-être dans
Livret 3, le morceau d’ouverture. Si les 3 premières minutes font immanquablement penser à un modèle consacré du genre post-rock (lente montée, du silence à l’explosion) une accélération soudaine du tempo propulse ces cosmonautes modernes vers les rivages d’une pop sautillante et euphorisante.
Taikonaut, oscille entre une pop faussement naïve et un rock plus abrasif, à la manière d'un
Slint qui aurait mis de la pop dans son moteur.
Ainsi, malgré les influences certaines de
Mogwai (période
Young Team) ou
Honey for Petzi,
Rosqo font du post-rock à la manière dont
Sonic Youth pratiquent le rock expérimental (auxquels le choix de certains titres de morceaux font immédiatement penser) : sans jamais perdre de vue un espoir pop-rock, qui émergerait du chaos des guitares. Groupe influencé, Rosqo ne sombrent jamais dans la bête répétition, ont comme digéré ce patrimoine pour l'intégrer au mieux à leur musique.
Chroniqué par
Christophe
le 04/08/2005