Production boulimique pour Tarentel ces derniers mois. Après un album sorti à l’automne 2004 (
We move through weather) et alors qu’un nouvel EP sur le label Acuarela est annoncé (
Ghost Weight), le groupe a publié simultanément ce printemps 2 EP, esquissant chacun une facette de leur univers – en noir et
blanc, comme l’annonce leurs titres respectifs – mettant en évidence les diverses directions prises par leur musique. Ces deux opus contribuent aussi à définir tout à fait l’identité de ce groupe encore méconnu de la scène post-rock, malgré plusieurs années d’activité et une discographie convaincante, les imposant comme l’une des formations les plus stimulantes et intrigantes du genre.
Face noire avec
Big Black Square. Ce EP s’émancipe du dernier album de
Tarentel (
We move through weather), pour se présenter comme une prolongation de la récente tournée européenne du groupe (qui ne passait que par la Suisse et l’Italie) : une piste unique de près de 45 minutes, espace offert à l’improvisation et à la prise de risques. Lors de leur concert genevois à l’Usine, ce parti-pris musical avait laissé sceptiques beaucoup de spectateurs. Après une première partie où se superposaient d’étranges rythmiques, la prestation de
Tarentel avait souffert de certains égarements et de problèmes de son manifestes, donnant l’impression d’un set quelque peu brouillon. Le final maîtrisé, alliant boucles de guitares et samples, ne réussissait pas à dissiper tout à fait cette sensation mitigée. Interrogés peu après, les membres du groupe reconnaissaient les risques de cette formule sans filet, tout en avouant leur penchant actuel pour ce genre de travaux, qu’ils comptaient expérimenter plus avant à l’avenir.
Pour ceux qui n’ont pas pu les voir à l’œuvre sur scène,
Big Black Square offre ainsi une chance unique de se rattraper, un témoignage des directions à venir pour la musique de
Tarentel. Impossible de décrire véritablement ce morceau. Il apparaît en effet trop déconstruit et, surtout, trop riche pour se prêter à l’art de la chronique.
Big Black Square est un monolithe éclaté, qui voit se réunir les sonorités les plus diverses pour donner naissance à un espace instable, organique et envoûtant, en constante mutation. Mais il n’est pas question ici d’immenses révolutions ou de grand huit aérien.
Tarentel excellent dans l’économie des effets, sont passés maîtres dans l’art du dégradé subtil. Le morceau évolue ainsi par petites touches, plus ou moins perceptibles, et ce n’est qu’au fil des écoutes que l’on arrive finalement à en saisir les infinies aspérités et variations, qui donne à leur musique ce surplus d’envergure, qui manque cruellement à certains groupes de la scène post-rock actuelle.
Avec ce EP,
Tarentel apparaît sans doute comme l’un des groupes les plus expérimentaux de la scène post-rock. Comme l’un des plus exigeants aussi. Si le résultat peut tout d’abord paraître déroutant, il convient de laisser le temps à cette musique de se dévoiler, jusqu’à réussir son étrange enchantement. Entre mélodie et abstraction,
Tarentel parvient à insuffler une vitalité nouvelle au post-rock, là ou d’autres s’enlisent dans la reproduction mimétique d’un modèle tutorial.
Chroniqué par
Christophe
le 01/07/2005
