On peut légitimement se poser la question de la nécessité de cette compilation réunissant de larges extraits des diverses sessions données par
Mogwai dans les locaux de la BBC. Tout d’abord la plupart de ces enregistrements circulent sur la toile depuis bien longtemps, accessibles donc à ceux qui savent chercher et n’hésitent pas à braver les lois. De plus, si
Mogwai maîtrisent à merveille l’exercice live, c’est plus dû à l’incroyable apocalypse sonore qu’ils y bâtissent qu’à leur capacité à revisiter leurs compositions. Et un enregistrement, aussi bon soit-il, ne suffit pas à rendre la fureur de ces instants scéniques. La question reste alors en suspens : ce
Government Commissions servira-t-il simplement à gonfler le tiroir-caisse du label, fonctionnant comme un « Best of » d’une première décennie discographique ?
En premier lieu, le choix des titres composant cette compilation disqualifie tout à fait l’idée d’en faire un « Best of » de la carrière du groupe. Trop de titres essentiels manquent à l’appel. Ainsi, pas de
Mogwai fear satan ni de
Christmas steps, deux des compositions les plus marquantes de
Mogwai. Exit aussi les classiques de concerts que sont
2 rights make 1 wrong ou le destructeur
My father my king. De plus, certains titres joués à l’occasion de ces
BBC Sessions ont étrangement été évincés (les magnifiques
Ex-cowboy et
Chocky, extraits de
Come on die young), alors que d’autres plus dispensables y ont leur place (
Helicon II ou
Kappa). Au final, on a de la peine à saisir la logique de cette sélection, si ce n’est que chaque album – ou compilation de EP – y est représenté, avec deux titres en moyenne.
Oubliées ces premières réserves, ce
Governement Commisions passe pourtant l’écueil des écoutes, révélant son lot de surprises et de hérissements du poil. Ainsi, on reste littéralement scotché par les dérives soniques lourdes et allongées de
Like Herod. Le morceau, déjà écrasant dans sa version studio, subit l’effet élastique dans un cortège de larsens du plus bel effet. Pareil pour
Helicon I, passage obligé des concerts de
Mogwai, dont la version gravée ici restitue toute la puissance que peut gagner ce titre sur scène, rencontre inattendue entre une ligne de basse mélodique et un mur du son de guitares. Autre moment de choix, l’ambiance apaisée d’un
CODY chanté avec beauté, rappelant les talents de songwriting du groupe. Enfin, cette compilation permet encore de découvrir en live certains morceaux rares du groupe, comme l’ancien
R U still in 2 it (période
Young Team) ou le superbe
Superheroes of BMX (disponible sur le recueil
EP + 6).
Governement Commissions, s’il ne s’insère pas véritablement dans la discographie de
Mogwai, reste donc tout de même un très beau témoignage des qualités musicales d’un groupe essentiel de la scène post-rock. Mais ce qui frappe surtout à l’écoute de ce disque, c’est la double impression, presque paradoxale, d’homogénéité et d’hétérogénéité qui s’en dégage. Les morceaux s’enchaînent sans ordre véritable (exit la tentation chronologique), variant les styles et les époques, sans pour autant s’entrechoquer. Ils résument à merveille l’évolution du groupe, du fracas des guitares aux incursions électroniques. Et c’est peut-être là le véritable attrait de cette compilation : plus que de tenter de rendre l’énergie scénique du groupe ou d’en dresser le bilan, elle donne à voir les divers chemins parcourus jusqu’ici, tout en mettant en évidence la cohérence de cette première décennie discographique. Ce qui pouvait apparaître comme une simple collection de titres, gagne alors toute sa pertinence, rappelant la capacité du groupe à s’accaparer de nouveaux espaces, et nourrit bien des espoirs pour les albums à venir.
Chroniqué par
Christophe
le 30/06/2005
