Lorsqu’ils donnent, en 1966, ce concert dans une université new-yorkaise,
Sun Ra et son Arkestra ont investi depuis quelques mois l’espace du free jazz. La tête dans les nuages, les musiciens mettent en place leur vision de la chose : moins politique, à l’écoute des sphères, et en quête de pépites intergalactiques.
Le message à délivrer est tel que la rencontre avec l’Autre – en l’occurrence, le public -, est porteuse d’espoir, comme d’incompréhensions possibles. A l’image de cette ambivalence, le pianiste fait d’une cacophonie expiatoire l’étendard de son vaisseau, comme il peut aussi bien décider de passages en sourdine, plus à même de permettre la réception des vibrations codées (
Sun Ra and His Band From Outer Space).
Parmi l’étrange décorum, des chœurs expriment de temps à autre l’Essentiel, la position à retenir sur un brouillard de plans. Aux saxophones,
John Gilmore et
Pat Patrick se répondent sur un swing encanaillé, qui va au rythme des pulsations détectées et retranscrites par le batteur
Clifford Jarvis (
Dancing Shadows). Le même instaurera une rythmique progressant jusqu’à devenir jungle, quand, superbe autant que perdu,
Ronnie Boykins tentait de se sortir d’
Exotic Forest en mettant tout son espoir dans le pouvoir des redondances.
A chaque fois qu’une trajectoire a frôlé un trou noir au son de chaos distribués (
Second Stop Is Jupiter,
Theme of the Stargazers), l’Arkestra aura optimisé à l’idéal la phase de transition salutaire. Sous l’émotion, les musiciens plongent dans quelques mirages, qu’ils soient le souvenir d’un be-bop appuyé (
Velvet), ou l’exploration d’un désert fantastique envahi par les ours, dont les peaux recevront, éléments des tambours, les caresses longues et répétées d’un
Jarvis insatiable (
Outer Nothingness).
Agrémenté de 3 inédits – dont une brève version de
We Travel The Spaceways pour accentuer encore la compréhension du programme – revoilà
Nothing Is…, disque emblématique initialement publié par ESP en 1966. Réédité, bien sûr, mais toujours pas redescendu sur Terre.
Chroniqué par
Grisli
le 20/06/2005