Depuis quatre ou cinq années, sans que l'on sache qui en a eu le premier l'idée, est apparue l'électronica 8-bit, électronica nourrie de samples de jeux vidéos importés de game-boys et autres consoles 8-bit. Au sein de ce mouvement, qui pourrait avoir tendance à se "ghettoïser", tant le genre 8-bit est étroitement défini par des codes difficilement contournables,
Teamtendo fait office avec
DAT Politics de figure de proue. Les deux groupes ont adopté une démarche ultra-lofi et ultra-vintage (les game-boys première génération sonnent bien mieux que les suivantes, d'après
Teamtendo) jusqu'à élaborer une esthétique du débris, une musique constituée quasi intégralement de sons de récupération. C'est une musique qui pratique la dérision à l'excès, dans un exubérant esprit dadaïste débile, kawai et activiste : la musique de
Teamtendo est adepte des détournements d'objets a priori non musicaux, samples de jeux vidéos omniprésents, rires d'anime pour enfants et boîte à musique kawai sur
I miss you, cut-ups de voix et samples du
Surfer Rosa des
Pixies sur
Saving Hawai, bruit d'un jack que l'on débranche de l'ampli sur
Groundhog hit the girl, les sons utilisés par
Teamtendo s'accumulent, par strates, sans hiérarchie.
Groundhog et ATM Cougar organisent le chaos au fil de leurs morceaux dans une joyeuse exubérance, les beats, les breaks et les boucles s'enchaînent frénétiquement et induisent un temps répétitif qui progresse pourtant, où la masse sonore accumulée grossit jusqu'à déborder : la musique de
Teamtendo est joyeuse comme une bouteille de champagne qui déborde de mousse, comme une série de rouleaux de papier toilette lancés dans une piscine, ou comme un concert de langues de belle mère. C'est que le duo privilégie une approche live de sa musique : sur scène, quatre game-boys, un minidisc pour les samples, une boîte à rythme pour le beat, deux micros et deux séquenceurs. Le dispositif rappelle un peu celui d'un DJ, et l'on sent sur les morceaux de ce
Miss EP une progression nettement déterminée par l'apport live de samples divers, comme sur
Jammin on Tendo, cinq minutes de beats syncopés et de samples hystériques empilés dans une conflagration jubilatoire, répétitive et tout en crescendo.
Teamtendo fait de la musique loopy loop répétitive et addictive : hypnotisme de la répétition et dépendance de la boucle chez l'auditeur.
Cet aspect répétitif est la force de
Teamtendo, mais aussi sa limite. D'un morceau à l'autre, le son reste assez similaire, brut et 8-bit : peut-être le duo gagnerait-il à davantage tempérer la folie live de ses morceaux par un traitement de la matière sonore qui ferait gagner à ces compositions semi improvisées épaisseur et profondeur, comme il le fait au début de
Groundhog hit the girl, ouverture contemplative avant un EP punk et iconoclaste. Les trois remixes de la face B se chargent donc de confronter la démarche de
Teamtendo à d'autres univers sonores : le remix de
Transformer Di Roboter métamorphose
Groundhog hit the girl en chanson pop et catchy par l'adjonction bienvenue d'une voix reprenant les lyrics du
Lose Yourself d'
Eminem (à moins que ce ne soit la voix d'
Eminem elle-même qui soit récupérée ? - difficile à dire),
I miss you, "bootifié" par
Vicnet, est simplement reconstruit selon un tempo plus rapide (pas indispensable, donc) tandis que
Discom "napalmise" complètement le morceau - devenu
I kiss you - jusqu'à en faire un ensemble invertébré et déconstruit de samples, et accomplit ce travail de la manière sonore qui fait défaut, sur le long terme, à l'approche de
Teamtendo. Mais nous avons affaire à un format court, sur lequel ces quelques défauts ont bien moins de prise, et ce
Miss EP contient suffisamment de fun et d'intelligence pour ne pas être boudé. Ecoutons-le comme il se doit, comme des enfants perdus dans un univers électronique, coloré et cheap et, comme des enfants, amusons-nous !
Chroniqué par
Mathias
le 03/06/2005
