S’asseoir, ce 11 septembre 2004, au Youth Music Center de Guelph, Canada, équivalait un peu à se faire une place à coups de coudes dans la Nef des fous de Jérôme Bosch. Le programme annonçait en effet une rencontre spéciale : celle de la contrebassiste
Joëlle Léandre, étendard flamboyant d’une musique improvisée version française, et d’
India Cooke, violoniste impeccablement éclectique, partenaire de
Sarah Vaughan comme de
Cecil Taylor, de
Ray Charles ou de
Sun Ra.
Dès le début, le récital ne dissimule rien de ses intentions : l’improvisation, faite suspense, entortille les notes qu’on se fait une joie de libérer ensemble (
Firedance 1). Hétérogènes, les pratiques instrumentales facilitent la création sur le vif d’instants tout entier sacrifiés à une danse rituelle (
Firedance 2), ou poussent à la confidence le dialogue élégant (
Firedance 7).
Implorant ensemble - la protection de qui ? -,
Léandre et
Cooke fouettent l’air de coups d’archets vindicatifs, avant d’entamer un duel de pizzicati (
Firedance 4). Ailleurs, c’est un rythme malléable qui fait les frais de la bataille, pendant laquelle, tant bien que mal, on cherche à cacher des morceaux de chaos derrière le rideau rouge (
Firedance 6).
Histoire de reprendre quelques forces, on s’accorde deux danses du feu en solitaire. Quand celle de
Léandre tente, de rebonds d’archets en nappes graves, d’hypnotiser les tensions (
Firedance 3), celle de
Cooke instaure un bouillon de culture réparateur, fait de phrases délurées, d’envolées lyriques et de clins d’œil au baroque (
Firedance 5).
Comme il est loin, le temps des duels. On se console un peu qu’il soit passé sans nous en n’oubliant pas qu’il était pratiqué essentiellement par des messieurs. Aujourd’hui,
Joëlle Léandre et
India Cooke prouvent qu’à coups de cordes, les dames s’expliquent bien mieux.
Chroniqué par
Grisli
le 17/05/2005