C’était entendu d’avance. On a beaucoup parlé de
Human After All, le troisième album de
Daft Punk. On en a souvent dit du mal, et ce avant même sa sortie officielle. Hideux et ennuyeux, pauvre et bâclé, selon certains. On a parfois dit qu’il n’était pas si mal, sur la base d’arguments qui cachaient mal la volonté de s’affirmer en défendant ce que tout le monde exècre. Mais jamais on n’a dit que
Human After All était le nouveau chef d’œuvre du duo français. Nous n’en ferons rien.
Il faut du temps pour que s’atténuent et les espérances formulées à l’égard d’un album aussi attendu, et les rivalités critiques entre les différents webzines et magasines musicaux, qui toutes deux parasitent le jugement. Il faut du temps pour en venir à la musique, la musique elle-même, seule, détachée de toutes considérations extérieures. Si nous avons tardé à écrire à notre tour sur
Human After All, c’est que nous avons décidé de nous donner ce temps.
Le titre semble parler de lui-même.
Human After All sonne comme une excuse, comme l’aveu que
Daft Punk est faillible, que Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo ne sont pas des démiurges détachés de tout risque d’erreur. Non, ce qu’il faut entendre derrière ces trois mots, qui évoquent en creux le beat technoïde des machines, c’est un cœur, une pulsation déréglée qui insuffle la vie en même temps qu’elle injecte de l’imperfection.
Et de l’imperfection, c’est justement ce qui manque à
Robot Rock, premier single malheureux. Rien ne se dégage de ce morceau trop simple, trop lisse, trop constant. Aucune aspérité, aucune fissure ne se montre dans ces riffs convenus de guitare édulcorée et ces notes désincarnées de synthé ringard. Heureusement tout l’album n’est pas du même acabit.
Après la production hors normes de
Discovery, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo voulaient revenir à l’échelle humaine. Enregistré en moins de trois mois dans leur home studio parisien,
Human After All est né d’une impulsion créatrice, contrastant avec l’usinage minutieux à l’origine de son prédécesseur. Le duo s’est recentré sur l’essentiel, laissant de côté leurs panoplies de machines high-tech, mais non une certaine exigence.
Bien sûr
Human After All contient son lot de morceaux techno/house, dont le parangon inégalé reste
Da Funk de
Homework, tous des tubes potentiels s’ils n’avaient cette fâcheuse tendance à s’étaler en longueur. En effet, à plusieurs moments,
Daft Punk délaye sa matière musicale, étire un essai initial réussi sans parvenir à le transformer. Des voix passées au vocoder, des beats entraînants et l’énergie des guitares électriques ne suffisent plus. Ainsi les affriolantes accroches de
Steam Machine ou de
The Brainwasher tombent-elles fatalement dans une fastidieuse répétitivité. Plus inspirés,
Human After All et
Television Rules the Nation s’en tirent mieux.
Entre les rythmes endiablés du dancefloor, place est faite à la douceur contemplative – les vibrants ébats amoureux d’une guitare et d’un piano sur
Make Love – et à l’expérimentation sur les textures sonores et les rythmes – le lubrique
The Prime Time of Your Life. Plus proche de
Homework, même s’il n’en possède pas toutes les qualités, que de
Discovery,
Human After All n’est pas un monstre de difformité, même s’il ne laissera pas un souvenir impérissable. Profitons-en avant de l'oublier.
Chroniqué par
dfghfgh
le 08/05/2005