Assouvir des penchants esthétiques radicaux tels ceux de
Cecil Taylor n'est pas une mince affaire. Servir encore, parfois différemment, mais toujours plus intensément, un free jazz excessif et inaliénable, demande des efforts conséquents et sans cesse renouvelés.
Irrésolu ou inassouvi,
Taylor ? En 2000, en tout cas, il investissait à nouveau le champ de l'improvisation frénétique, aux côtés de
Dominic Duval et
Jackson Krall, à Minneapolis. Trois nouvelles tentatives interrogent une perspective ambitieuse qui engage l'histoire d'une vie.
Et qu'importe qu'on remette l'ouvrage, puisqu'il s'agit d'éviter les redites. Dès l'
Improvisation I, le sens d'
All The Notes devient une évidence. D'un bout à l'autre du piano,
Taylor n’a pas oublié d'accrocher une seule note, toutes incorporées à ses clusters déments, ou faites éléments de tentations mélodiques aussitôt ravalées. Confrontant des saccades mouvementées de graves et les schémas répétitifs aux ponctuations rythmiques de
Krall, le pianiste laisse aussi carte blanche à
Duval, qui, après de rapides pizzicati, choisit d'imposer des phrases dominantes d'un archet décidé.
Au tour, ensuite, de
Jackson Krall de donner la couleur. Tempétueuse, sur
Improvisation II, le batteur jouant de roulements profonds et appuyés.
Taylor, endurant, n'a pas cessé une seconde d'imaginer des assauts aigus, tout en recadrant, de temps indécis à autres, les digressions flottantes au moyen de basses autoritaires. Insatiable, il finira par animer les marteaux de manière virulente, charges de la dernière chance s'octroyant la permission des résonances, sur la délétère
Improvisation III.
La réussite de trois nouvelles expériences sur un même schéma d'action conforte le choix arrêté par le pianiste des dizaines d'années auparavant. Musicien des origines (du free),
Cecil Taylor n'a de cesse de promouvoir une seule et même cause. Et s'il n'en restait qu'un...
Chroniqué par
Grisli
le 12/04/2005