Vitalic a de l'énergie à dépenser. Et des machines à satisfaire (ou bien est-ce l'inverse ?) Toujours est-il qu'
Ok Cowboy perturbe les oscillateurs et affole les potentiomètres comme un album de dance music ne l'avait pas fait depuis pas mal de temps, ou alors, pas avec cette intelligence. Car le talent du producteur dijonnais, le voilà : produire une techno aguicheuse et inspirée, aussi définitive qu'émouvante, alors qu'on recommençait tout juste à la croire possible en France, avec les
Rêves Mécaniques de son camarade
The Hacker.
Y-a-t-il eu une émulation entre eux ? Aux influences en "wave" et aux sonorités millesimées d'une electro-techno radicale, s'ajoutent en tout cas chez
Vitalic une énergie rock et un feeling façon dark
Moroder qui forment une identité fédératrice. Avec un étourdissement intact, on redécouvre, disséminés en correspondances dans la première partie de l'album, trois des tracks qui avaient fait de son
Poney Ep "le Crydamoure du XXIeme siècle". L'énorme supernova
La Rock 01 chavire irrépressiblement, et le
Poney part 1 met toujours sur les genoux - mains en l'air, prosternation, on se rend. Le petit hymne mélodique et faussement simplet
Woo s'insère dans cette récapitulation préalable. Avec la suite, et les vrais nouveaux morceaux tant attendus, l'effet ne se démentira pas.
Oui,
Vitalic continue à taper juste, aussi bien dans le registre des émotions (la grâce retro des émosynthés de
The Past) que dans un défi à la référence
Daft Punk :
Newman sonne en effet comme une actualisation confondante de
Rollin' & Scratchin', version
Dima (son pseudo hardtechno). La bassline véhémente crache ses entrailles et progresse inexorablement sur un kick perce-murailles, et on entend là le rouleau compresseur dance-rock braillard que les deux hommes-robots ont échoué à fabriquer sur
Human after all (cf. leur
Brainwasher hardhouse).
En fait,
Vitalic nous rend pour un temps l'hédonisme pur qu'on réclame à la dance music, celui qu'elle a toujours promis mais qu'elle n'affirme plus que timidement. Pour cette raison, on se perdra encore et encore dans ces montées enivrantes, sombres et mélancoliques. On "ravera", comme si le jeu de mots reprenait tout son sens, les pieds au plancher pour des vrombissements façon tuning woak'n'roll déculpabilisé sur
No Fun, dont le titre renvoie aux
Stooges, et qui adresse au retour du rock le slogan ironique "no guitars, no drugs, no leather, no fun". Le regard égaré vers les étoiles, on écoutera
Trahison,
U and I, exemples de ballades synthétiques et midtempo, discrètes, mais dont la sensibilité, indirectement, fait la nique à la meute des revivalists sans âmes qui a occupé le terrain ces dernières années.
S'il faut une réserve, elle ira à
My Friend Dario, morceau moins solide, qui joue trop à être un tube. Même s'il pourrait remplacer avantageusement
Benny Benassi dans le cœur des auto-tuners, on le préférera en "Dima newbeat mix" sur le maxi éponyme. Pour le reste,
Vitalic, foncièrement populaire, reste au-delà du vulgaire et du kitsch (
Repair Machines).
Avec
Valetta fanfares, la cavalerie termine le show, aussi fanfaronne que l'était la
Polkamatic introduction... Accessible et tubesque, ce disque nous fait plaindre les peine-à-jouir qui résistent (les insensés !) à ses sirènes. Si on lui prévoit d'avance une longévité supérieure à la moyenne, les mêmes coyotes désabusés nous défieront de garantir qu'on tient là un futur classique. Qu'à cela ne tienne, la techno de
Vitalic est un sursis enthousiasmant, et vous feriez bien d'en profiter. Ok, Cowboys ?
Chroniqué par
Guillaume
le 10/04/2005