Il arrive que le clarinettiste
Gene Coleman s’échappe de son bel
Ensemble NoAmnesia. Pour preuve implacable, le disque que publie aujourd’hui le label Grob, enregistrement d’un concert qu’il donna en quartet à Saint Louis, USA, le 27 octobre 2002. Une heure de musique, divisée en deux parties qu’on s’est abstenu d’intituler.
Le jeu singulier de
Coleman, tirant bénéfice des impuretés et des accrocs, évolue d’abord en triade et se mesure aux expérimentations de
Sachiko M, qui choisit, pour commencer, de traiter ses micros de façon peu intrusive. L’atmosphère est sobre et changeante, évoquant une musique indigène quasi-perdue, perceptible ou non selon l’effet des vents.
Lorsque
Otomo Yoshihide intervient, c’est pour interroger les dérivations des notes de sa guitare. La clarinette basse suit des parcours cloutés de graves,
Franz Hautzinger dévoile des contrastes en confrontant les aigus de sa trompette aux 6 cordes à peine effleurées, tandis que
Sachiko M confectionne malignement ses larsens. Et voilà que la tension, sourde jusqu’alors, anime à elle seule le morceau tout entier.
Progressive, parfaitement jaugée, elle amène ensuite
Gene Coleman à déposer des phrases acides sur les résonances longues auxquelles se consacrent les basses de la guitare. Adaptant son souffle à loisirs, il en expérimente les moindres effets, tant sur la première plage du disque que sur la seconde. La pause est courte, d’ailleurs, qui en distingue les deux parties. Et c’est sans ménagement que l’on entame les dix dernières minutes du set.
Là,
Yoshihide déploie et déstructure des artifices sur fond de grésillements. Tout juste suggéré, un Caruso anéanti interprète pour un temps un laborieux air d’opéra.
Coleman, lui, préfère reprendre ses expériences et nomme rapidement interruptions et saccades maîtres de la partition. Pendant plus d’une heure, des formes de chaos se sont superposées, tandis que nous cherchions la sortie d’un labyrinthe de tubes. L’espoir datait d’avant la fonte.
Chroniqué par
Grisli
le 07/03/2005