Deux musiciens suédois se faisaient face, ce 3 mai 2004, au Conway Hall de Londres, à l’occasion du festival Freedom of the City. Le pianiste
Sten Sandell, d’une part, et le guitariste
David Stackenäs, de l’autre. Un duo d’improvisateurs, donc, que viendra rejoindre, après deux pièces exécutées, le trio d’
Evan Parker, par ailleurs patron du label PSI.
Sur un déroulement éthéré de nappes électroniques,
Jansson's Temptation (part 1) installe un dialogue piano / guitare. Le premier digresse, individuel, quand la seconde tente d’imposer ses rythmes, y parvenant quelque fois. Evolution d’une montée en puissance annoncée, le mouvement suit la violence des attaques de
Sten Sandell, qu’il accompagne de sa voix sifflante, pour enfin avaler le morceau à lui seul à force de basses de fin du monde.
Phénix autoproclamé, la guitare introduit
Jansson’s Temptation (part 2), au moyen d’accords dissonants, d’égrenages rapides de notes opposées par les pauses dont
Stackenäs sait tirer parties. S’attaquant aux tirants, rugueux et acharné, il persuade bientôt le pianiste de l’utilité de le rejoindre. Celui-ci répond d’abord rythmiquement, percussionniste sur piano, avant de mêler ses notes fantasques à la plainte d’une alarme et de sifflets programmés. Un solo en remplace un autre, et
Sandell conclut, une fois encore en graves, sobres et questionnant les interférences.
Maintenant aux côtés d’
Evan Parker,
Barry Guy et
Paul Lytton, le duo démontre en quintet ce qu’est la maîtrise en improvisation.
Gubbröra ne laisse rien échapper. D’envolées lyriques et déjantées en instants d’accalmie, les cinq musiciens s’entendent à la perfection.
Parker, radical, avance en roue libre, tandis que les percussions de
Paul Lytton enrobent les cercles convulsifs de la guitare de
Stackenäs.
Sandell, lui, provoque des avalanches d’aigus, et cède un peu de son statut de meneur au duo
Lytton /
Guy, qui appelle à la fuite, sème distances et doutes tout en recadrant régulièrement l’effort collectif.
Musique instantanée, aussi inaliénable qu’une topographie des mouvements,
Gubbröra est plus simplement un double exercice d’improvisation réussi. Que nous conseille
Evan Parker, parrain qui sait de quoi il parle, distribuant un avis du genre de ceux qu’on ne peut que suivre, et entendre.
Chroniqué par
Grisli
le 15/02/2005