Non content de monopoliser les rétrospectives de fin d’année avec l’album de
Madvillain,
MF Doom annonce son grand retour avec
MM… Food, successeur officiel du désormais classique
Operation Doomsday. Un titre révélateur de l’appétit du personnage, qui a encore trouvé le temps de placer dans les bacs la suite des péripéties de
Viktor Vaughn et de multiplier les featurings et autres sélections instrumentales.
Devant une telle activité, la question de la singularité de chaque projet devient inévitable. Certes,
MF Doom attache une importance considérable à la thématique de ses albums et possède mille et une rimes en réserve dans son grenier, mais cela suffira-t-il à distinguer ce nouvel opus des productions précédentes ? Après plusieurs écoutes, le bilan est mitigé. Tout débute pourtant dans les règles de l’art et avec fraîcheur, sur une base instrumentale incluant samples de super-héros, extraits de films, sonorités orientales et jazz madlibien. Pour couronner le tout,
MF Doom est en verve et offre une nouvelle série de punchlines et autres digressions sur le thème de la nourriture ; un alléchant apéritif qui laisse présager un plat de résistance des plus raffinés.
C’est à cet instant précis que
Doom lâche le micro pour se retirer derrière ses machines, et se lancer dans un exercice de free-jazz dont il a le secret. Sans pour autant manquer de mordant (écoutez les nombreux extraits vocaux qui parsèment ces courtes plages), cette partie instrumentale ne parvient pas à dégager une réelle identité, entre les clins d’œil à
Kid Koala (
Poo-Putt Platter), les échantillons auparavant entendus sur les divers
Special Herbs et les éternel interludes imprégnés du thème de
Metal Fingers (
Fig Leaf Bi-Carbonate).
En dépit de ses nombreux efforts,
MF Doom ne parviendra pas à faire oublier ce léger passage à vide et à renouer avec la cohérence des premiers titres de l’album. Reste toutefois cette capacité si particulière à hypnotiser l’auditeur avec une simple boucle de piano (
Kon Karne), et des qualités irréprochables de storyteller qui prennent toute leur dimension avec la métaphore filée de
Kookies. Ici, le rappeur masqué traite avec humour la question du tourisme érotique sur le web - activité au goût sucré et à l’addition pour le moins salée - avant de s’envoler pour de bon vers de nouvelles aventures.
Sans pour autant être décevant,
MM… Food ne réitère donc pas le tour de force d’
Operation Doomsday, et se rapproche davantage d’une rétrospective des divers projets de
MF Doom que d’un disque à l’identité bien définie. Malgré une nette domination micro en main,
Doom peine à se renouveler à la production et semble ainsi jouer sur ses acquis. On lui pardonne pour cette fois, mais inutile de préciser que le personnage sera attendu au tournant dès le début de cette année 2005.
Chroniqué par
David Lamon
le 10/01/2005