Rarement un groupe aura autant brouillé les pistes de la musique que le
Fly Pan Am. Après
Ceux qui inventent n’ont jamais vécu (cst019), son troisième opus, on pouvait se demander s’il restait quelque chose à faire au
Fly Pan Am : après avoir saboté sa propre musique, l’avoir interrompue, l’avoir violentée jusqu’à la réduire au silence, comment continuer à simplement faire de la musique ?
N’écoutez pas fait entendre la réponse à cette question. Cet album parle du secret de la musique et de la manière dont se tissent les liens qui la forment. L’orientation plus rock de ce disque ne doit pas induire en erreur : il ne s’agit pas de s’assagir en coulant ses morceaux dans des structures prédéfinies mais de faire, à partir du rock, une musique qui le dépasse. C’est à ce titre que
Autant zig-zag est un des moments phares de l’album : la parodie de
Sympathy for the Devil des
Rolling Stones l’inscrit dans une histoire, un ensemble de références avec lesquelles on peut jouer indéfiniment, que l’on peut s’approprier et manipuler. C’est cet usage du rock qui signe la réponse que fait le
Fly Pan Am à notre question.
N’écoutez pas apparaît ainsi comme le disque de l’affirmation de l’identité du groupe : l’apparition des voix (
Brûlez suivants, suivantes et
Vos rêves revers) ajouté au bruitisme le plus radical (
Buvez nos larmes de métal) conduit presque naturellement à cette pièce unique qu’est :
…, pièce qui n’a de raison que celle de scander le nom du groupe encore et encore, jusqu’à envoûter l’auditeur.
Au fil des albums, le
Fly Pan Am est devenu plus qu’un groupe de genre (comme on parle de « films de genre »). C’est désormais un groupe qui, tout en interrogeant musicalement notre rapport à la musique, compose des chansons qui ne se réduisent pas au format rock, mais s’en amuse, s’en sert pour faire entendre une musique jusqu’à présent inconnue.
Un dernier mot encore : à la fin de
Le faux pas aimer vous souhaite d'être follement ami, le dernier morceau de l’album, des voix d’enfants demandent : « papa, c’est quoi le fly pan am ? oui papa, c’est quoi ? », comme s’il s’agissait de nous dire que, tout en affirmant son identité propre, le
Fly Pan Am reste un projet musical indéterminé, hors normes, qui ne cesse de mettre en question tout ce que la musique peut bien être.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 22/11/2004