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Florilège musicopathe

: #11



Petit tour d'horizon de quelques belles sorties plus ou moins récentes avec au programme: le regretté Bored Nothing, Wilco en mode acoustique, Oren Ambarchi toujours aussi bien entouré, et le retour de deux figures du rock instrumental et oblique passablement oubliées: David Pajo et Roy Montgomery.

Bored Nothing - Some Songs (Spunk)

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C'est une triste actualité qui nous amène à faire une entorse au règlement en chroniquant ici un album datant de 2014. En effet le jeune Fergus David Edward Miller s'est donné la mort le 9 octobre dernier laissant derrière lui sous l'alias Bored Nothing deux beaux albums, une poignée d' Eps et des espoirs vite envolés. C'en est presque une mystérieuse ironie du sort tant la musique de l'australien s'alignait à s'y méprendre sur celle de deux autres artistes hautement regrettés, à savoir Mark Linkous / Sparklehorse et le grand Elliott Smith. Comment d'ailleurs ne pas entendre rôder le spectre de ce dernier sur Not, la chanson faussement intimiste qui ouvre cet ultime opus ? Some Songs est une compilation de petites bulles dream pop mélancoliques et flâneuses aux accents parfois shoegaze, des chansons éthérées que n'aurait pas renié le réalisateur Gregg Araki dans l'une de ses bandes son.

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Wilco - Schmilco (dBpm)

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C'est annoncé sans certitude mais il existe peut-être deux types d'oeuvres réussies, celles qui mettent beaucoup de temps à se constituer et prendre leur forme définitive, et celles qui jaillissent très vite, sans réelle gestation, comme poussées par un instinct créatif à un temps "t" qu'il ne faut pas laisser échapper. Il y a eu cette année le déroutant mais néanmoins excellent album de Jenny Hval sorti de ses tripes seulement un an après Apocalypse, Girl mais on aurait tort de se priver de ce nouveau Wilco. A peine un an après l'électrique Star Wars, les américains remettent le couvert avec un album qui pourrait être l'antithèse de ce dernier, ou plutôt son complément. Les pédales de distorsion et les cymbales crash sont ici rangées pour laisser la place aux guitares sèches et aux baguettes-balais. Bon Jovi n'avait pas tort en disant que l'on reconnait plus la qualité d'une chanson dans sa forme acoustique. Schmilco - en référence à Nilsson Schmilsson d’Harry Wilson - est un album folk rock rempli de chansons "happy-sad" auxquelles le graphisme à l'humour noir de Joan Cornellà colle à merveille.

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Oren Ambarchi - Hubris (Editions Mego)

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L'australien revient toujours aussi bien entouré nous présenter un prolongement de ses précédentes oeuvres sous forte influence teutonne (Sagittarian Domain en 2012, Quixotism en 2014). Sur Hubris, une rythmique répétitive empruntant sa métronomie robotique à Neu! sert de noyau dur à tout un système de corps célestes venant lui graviter autour tout en lui apportant la densité nécessaire pour mener à bien - soit à une forme d'hypnose - ses deux compositions avoisinant les 20 minutes. Il est étonnant de constater qu'après avoir longtemps fait un voyage méditatif à l'intérieur du son (et principalement celui de la guitare) avec les albums les plus immersifs de son début discographique, Oren Ambarchi cherche aujourd'hui à créer une musique toujours en expansion avec un mécanisme additionnel voire addictif qui la rend sinon plus accessible, du moins purement explosive. C'est clairement le cas sur ce Part 3 dynamité par un duo de batteries et les soubresauts aléatoires du synthétiseur de Keith Fullerton Whitman, puis électrisé à mi-chemin par la guitare noisy du génial Arto Lindsay. Krautrock never die.

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Papa M - Highway Songs (Drag City)

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Si 2016 fut l'année des disparitions marquantes, elle fut également celle de quelques retours aussi flamboyants qu'inattendus, le dernier en date étant très certainement celui des rappeurs cultes A Tribe Called Quest - marqués eux aussi par le décès d'un des leurs en mars dernier, Phife Dawg - qui signent un retour magistral après un long repos de 18 ans. On ne présente plus David Pajo, le guitariste texan fut l'un des fondateurs majeurs du post-rock (Slint, The For Carnation et les premiers albums de Tortoise auxquels il a participé) puis fut l'un des fidèles contributeurs du genre avec une rimbambelle d'albums solos sortis sous divers noms (Aerial M, Papa M). Après 7 ans de silence, Highway Songs a tout du retour discret par la petite porte, proposant une collection de 9 morceaux disparates où brille les talents de compositions obliques de l'américain, allant du stoner rock (l'excellente Flatliners en ouverture) à la folk (DLVD) en passant par quelques bidouillages bizarroïdes (The Love Particle). Un album modeste donc, mais un bon cru à ranger précieusement aux côtés de David Grubbs.

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Roy Montgomery - R M H Q : Headquarters (Grapefruit)

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Autre nom affilié de près ou de loin à la scène post-rock (le label Kranky) et à la folk avant-gardiste (Flying Saucer Attack), le plus confidentiel Roy Montgomery vient quant-à-lui de revenir par la grande porte avec un majestueux quadruple album en forme de longue odyssée à son instrument de prédilection: la guitare. A l'instar d'Autechre et de leur monumental Elseq 1-5 sorti cette année, quintuple album développant à l'extrême l'IDM hautement sophistiquée du duo sur plus de 4 heures, il y a dans la proposition du néo-zélandais la même volonté d'épuisement et d'exhaustivité de sa propre musique, comme s'il y avait dans l'étirement le plus total des sensations nouvelles à y trouver. Il y a aussi dans cet album comme dans Elseq le même souhait de créer autant une oeuvre-somme aboutie dans ses moindres recoins qu'une oeuvre ouverte à la recherche et à de nouveaux questionnements. RMHQ : Headquarters est ainsi un long tunnel d'où résonne des guitares électro-acoustiques déclinées à l'infini telles les guitares picturales du cubiste Georges Braque. Celles-ci semblent se mouvoir dans un bain nocturne à la fois acceuillant et hostile. L'album est dense, souterrain, ambient, et finalement assez radical dans son expérience, si bien qu'il invitera autant les uns au sommeil qu'il éveillera les sens de ceux qui accepteront de s'y laisser porter. Ou de s'y perdre.



par Romain
le 26/11/2016

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