Econduit par les grandes majors malgré des succès tonitruants à l'échelle de l'underground, ignoré du grand public, Felt a traversé le ciel des années 80 comme un éclair, sans jamais percer l'obscurité. De 1982 à 1989, ce trio de Birmingham a pourtant produit dix albums de pop particulièrement visionnaires, qui ne cessent de hanter le rock d'aujourd'hui.
Ce n'est que depuis une dizaine d'années que la musique de Felt trouve enfin voix au chapitre. Au début des années 2000, les rééditions de Cherry Red ont remis dans la lumière leurs disques les plus emblématiques. C'est sans compter le culte discret que les amateurs de la première heure continuent de vouer au leader Lawrence Hayward, martyr de la pop autoproclamé dont les albums sous les pseudonymes de Denim ou Go-Kart Mozart n'ont cessé par la suite de défrayer régulièrement la chronique à grands coups de semonces mégalomanes et de saillies comiques éhontées.
Loin des enfers toxiques qu'il traversa après la dissolution du groupe et qui continuent d'alimenter ses production les plus récentes, Lawrence a effectivement côtoyé avec Felt une forme d'éternité avant de manquer de sombrer dans l'oubli. Le séminal Crumbling The Antiseptic Beauty et les plus tardifs Forever Breathes The Lonely Word et The Splendour Of Fear demeurent des chef d'oeuvre d'un genre bâtard, où les entrelacs de guitares claires et les rythmes en sourdines, les nappes de synthé et la voix éthérée de Lawrence esquissent une pop solaire et ornementale, à la poésie douce-amère.
Evergreen Dazed, l'éblouissant titre d'ouverture de Crumbling The Antiseptic Beauty, reste un modèle du genre, l'illustration par l'excellence de ce que Felt a offert de plus beau à la pop britannique des années 80 voir au post-rock, qu'il préfiguraient allègrement.
