Les années 60 ont vu l’Angleterre marquer durablement la scène musicale internationale au travers de deux courants d’apparence antagoniste : d’un côté la british pop, dont les nombreux ambassadeurs, les Beatles en tête, résonnent encore sur radios du monde entier, de l’autre la musique électronique, portée par les savants fous du BBC Radiophonic Workshop.
Les deux ont eu une influence indéniable sur la musique moderne, sans que jamais leur style ne semble se mélanger, par trop différent. Pourtant, pas plus tard qu’en Juin 1969 sortait An Electric Storm, OMNI puissamment avant-gardiste sorti de l’esprit de trois ingénieurs du workshop : David Vorhaus, Brian Hodgson et la grande Delia Derbyshire, compositrice, entre autre, du thème de Doctor Who.
Mélange étonnamment cohérent d’expérimentation sonore et de composition pop, l’album est évidemment un flop à sa sortie mais gagne lentement son statut culte. Aujourd’hui encore, il tient largement tête à la modernité, conviant allègrement Procol Harum, Swans ou Broadcast, cachant derrière ses replis noise des perles intemporelles : Love Without Sound et sa rythmique dégingandée, qui une fois installée ne quitte plus les oreilles, le génial My Game of Loving, qui aurait aisément squatté les charts anglais, n’eut été ce maelstrom coïtal en plein milieu du morceau, ou encore The Visitations et son voyage cosmique d’une dizaine de minutes.
An Electric Storm est une expérience, assurément, mais surtout un choc : vieux d’un demi-siècle, cet album est à lui seul un pinacle de la pop expérimentale moderne, supplantant volontiers Animal Collective et consorts dans sa liberté de ton et sa diversité. Un disque comète, injustement méconnu, et donc d’autant plus indispensable.
par
Matthias Fuchs
le 24/11/2013
