Loin de l'idée que l'on se fait d'un disque de Supertramp — ce saxo, bon sang que c'est niais ! —, loin de ce rock progressif à la guimauve calibré pour les charts UK, il y a leur premier LP éponyme. Un disque qui aura leur peau, la formation historique (Hodgson/Davies/Palmer/Millar) explosant en vol suite à l'échec commercial de cet album.
Un disque empreint d'une mélancolie redoutable, gravé en 1970, enregistré dans des conditions rudimentaires dans une ambiance à couper au couteau. Un disque étrangement tombé aux oubliettes, portant les stigmates d'une époque qui voit son rêve psychédélique virer au cauchemar.
La voix d'Hodgson apparaît comme errante, perdue dans cet ancien monde et installe durablement avec les textes de Richard Palmer (futur parolier de King Crimson) ce qui sera plus tard l’une des griffes poétiques du groupe : la quête sans fard d'absolu.
Un titre comme Maybe I'm A Beggar illustre parfaitement cela : "Give Me the sky, I would take the whole world in my hand", entonne Hodgson. Tout est dit.
Il y a des morceaux qui deviennent une obsession. Il y en a d'autres que l'on n'écoute qu'à certains moments de la vie. Maybe I'm A Beggar est les deux à la fois. Un titre obsédant qui revient sans cesse hanter une saison. Dans le froid de l'automne qui ramone les cœurs, les pierres et le fond des culottes. Dans la faim de ces lendemains où il ne règne rien d'autre que le bonheur d'être bien. Dans l'abandon de soi, là où seul demeure le plaisir de rire sans ambages, de pleurer à chaudes larmes.
"Maybe I'm a beggar, just check your sympathy
They throw away their gentle love
And keep their pain for me"
A [re]découvrir absolument.
